Qu’est-ce qu’être riche selon les Stoïciens ?

Qu’est-ce qu’être riche selon les Stoïciens ?

« Certains possèdent des richesses comme on dit qu’on a de la fièvre — mais en vérité, c’est la fièvre qui les possède. »
Sénèque

À première vue, la richesse semble facile à reconnaître : une maison spacieuse, un compte en banque bien rempli, la liberté de voyager où l’on veut. Pourtant, beaucoup de personnes qui cochent toutes ces cases vivent dans l’angoisse, la peur de perdre, et une insatisfaction tenace.

Et à l’inverse, combien de vies modestes respirent une paix simple, une joie sincère, un contentement durable ?

La philosophie stoïcienne nous propose une distinction essentielle : l’abondance matérielle n’est pas toujours synonyme de richesse intérieure. L’une dépend de ce que l’on possède. L’autre, de ce que l’on comprend et de ce que l’on cultive en soi.

L’argent est-il ton outil… ou ton maître ?

Épictète, figure majeure du stoïcisme, racontait souvent l’histoire d’un homme à qui l’empereur Auguste offrit un poste très lucratif :

— Tu vas gagner beaucoup, dit l’homme.
— Et perdre davantage, répondit Épictète.
— Mon nom deviendra célèbre.
— Mais seras-tu là chaque fois qu’on le prononcera ?
— Il me survivra.
— Comme un nom gravé sur une pierre.
— Je porterai une couronne en or.
— Et une autre, en fleurs, le jour de ton enterrement.

Ce dialogue illustre la lucidité stoïcienne : à force de vouloir briller, on oublie de vivre. L’argent, pris seul, est un faux guide. Il ne révèle jamais ce qu’il exige en retour : du temps, de la liberté, de la paix intérieure. Il ne parle pas. Il prend.

Les pièges invisibles de la richesse matérielle

Sénèque, dans ses lettres à Lucilius, observe que les plus riches de Rome sont souvent les plus dépendants : esclaves de leur image, de leurs possessions, de la peur du jugement.

« Celui qui possède davantage commence à désirer encore plus. »

Plus on possède, plus le seuil de satisfaction se déplace. Et plus il se déplace, plus on court. Le confort devient exigence. Le luxe devient norme. L’insécurité intérieure ne disparaît pas, elle s’intensifie.

Encore aujourd’hui, cette dynamique ronge des milliers de vies : entrepreneurs, célébrités, influenceurs… Derrière la vitrine, l’épuisement.

Redéfinir la richesse : la vision des Stoïciens

Dans une société où les signes extérieurs de réussite sont glorifiés, les Stoïciens nous rappellent qu’il existe une autre mesure. Être riche, ce n’est pas posséder plus. C’est avoir besoin de moins.

Le philosophe et agriculteur français Pierre Rabhi incarne parfaitement cette idée à travers son concept de sobriété heureuse. Pour lui, la vraie richesse réside dans le lien à la nature, la simplicité volontaire, et le refus du superflu.

Un repas simple, un lever de soleil, une main tendue… autant de moments qui enrichissent une vie mieux que n’importe quel compte bancaire.

Pratique n°1 : Identifier ce qui est vraiment essentiel

La première pratique stoïcienne consiste à se poser une question fondamentale : De quoi ai-je réellement besoin pour me sentir vivant ?

Pas ce que les réseaux sociaux vantent. Pas ce que les autres admirent. Ce que toi, profondément, ressens comme juste.

  • Est-ce du temps pour toi ?
  • Un métier qui a du sens ?
  • Des relations vraies ?
  • Un quotidien calme et libre ?

Sans cette clarté, on passe sa vie à poursuivre les rêves des autres, au lieu d’honorer les siens.

Pratique n°2 : Reconnaître le moment où c’est suffisant

« Celui qui ne sait pas se satisfaire ne sera jamais comblé, même s’il règne sur le monde. »
— Sénèque

Attendre un jour où tout sera “enfin parfait” est une illusion. Les objectifs changent sans cesse de visage. Le sommet se déplace. La paix n’arrive jamais.

Savoir dire « ça suffit », c’est retrouver une forme de pouvoir intérieur. Ce n’est pas un renoncement. C’est un ancrage. Une manière de dire : *je ne suis plus en manque, je suis en présence*.

Pratique n°3 : Repenser la relation entre manque et abondance

Les Stoïciens nous invitent à sortir de la logique binaire richesse/pauvreté. La véritable abondance ne réside pas dans l’accumulation, mais dans la maîtrise de ses désirs.

Ils nous enseignent à distinguer :

  • Ce qui dépend de nous : notre regard, nos pensées, nos choix.
  • Ce qui ne dépend pas de nous : l’opinion des autres, la fortune, les possessions.

Marc Aurèle résumait cette idée ainsi : « Le vrai luxe, c’est de pouvoir gouverner ses pensées. » Et il n’existe aucune richesse plus durable que cette souveraineté-là.

Conclusion : Et si la richesse était déjà là ?

Être riche, ce n’est pas une accumulation. C’est un apaisement.

Ce n’est pas une course vers demain. C’est une présence à aujourd’hui.

La richesse stoïcienne est simple, mais puissante : elle se construit dans les choix que l’on fait chaque jour, dans la capacité à apprécier ce qui est là, à refuser le superflu, à embrasser l’essentiel.

Alors, peut-être que la vraie question n’est pas : Combien puis-je encore obtenir ?
Mais plutôt : Et si j’avais déjà ce qu’il me faut ?

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